Prolongation des droits à l’assurance chômage jusqu’en août 2021 : un « cadeau » empoisonné ?

Mercredi 6 mai, le Président de la République a donc annoncé la « prolongation jusqu’en août 2021 » des droits à l’assurance chômage des salariés intermittents. Cette victoire est le fruit de notre mobilisation depuis plus de deux mois, par de multiples Lettres ouvertes et pétitions contresignées par des dizaines de milliers de travailleurs du spectacle et des Arts et la population, dont la pétition soutenue par le SNLA-FO « La création doit vivre et nous avec ! ». Fruit également du soutien précieux apporté par nos collègues têtes d’affiche. Syndicat confédéré, nous demandons que tous les salariés privés d’emploi bénéficient également d’un prolongement de leurs droits à l’assurance chômage. Nous protestons qu’aucune mesure pour les collègues de retour d’un congé maternité, parental, de maladie, ni pour ceux affectés par les franchises n’ait été annoncées.

 

Cette décision est d’autant plus attendue que la cessation d’activité qui nous touche comme des millions de salariés, nous est imposée pour lutter contre une pandémie qui est la conséquence d’un virus mortel certes, mais d’autant plus mortel que le pays manque cruellement de personnel hospitalier, de lits d’hospitalisation, de services d’urgence, de respirateurs, de masques, de gel hydroalcoolique, de tests… dont les fabrications ont été délocalisées et les stocks liquidés pour « économie » !

 

Il aura fallu deux mois de lutte et d’angoisse, parfois déjà de disette, pour obtenir une décision aussi simple. Pourquoi ? Chacun écoutant les annonces du Président de la République comprendra qu’il aura fallu tout ce temps pour en réalité préparer un donnant-donnant aux artistes. « Ok, je vous donne »… « mais vous allez », « je vous propose », « je veux… ». Déroulons une chronologie inversée de ce que le président exige et exigera des artistes.

 

Un « point d’étape » est annoncé pour la fin août « au service de la refondation des Arts et de la Culture dans notre Pays » Ah bon ? Parce que l’ « Art et la Culture dans notre pays », se décident maintenant à l’Elysée ? Selon quel cahier des charges ?

 

Et déjà un 2ème temps, celui de l’été proche, est plus précis : « Je veux un été apprenant et culturel …) en direction des jeunes, des quartiers…» Cela, les artistes le font depuis des années, de moins en moins souvent par choix, trop souvent sans moyens, et presque toujours sous payés d’ailleurs ! Le Président Macron pourrait-il l’ignorer à ce point ? Donc ce n’est pas de cela dont il s’agit. Ne s’agit-il pas plutôt de faire du soutien scolaire tout l’été en raison des écoles fermées pendant des mois ? De faire du « lien social » pour éviter l’explosion sociale dans les banlieues? Nous ne sommes pas les pompiers de la politique du gouvernement. Éducateur spécialisé, animateur et enseignant sont d’autres métiers. Notre métier est celui d’artistes. Notre fonction sociale ? Créer des spectacles, des œuvres de l’esprit comme le précisent nos conventions collectives.

 

Mais plus proche encore le « 1er temps » ! Au sortir de l’Élysée, Franck Riester, ministre de la culture, précise : « Avec mon collègue Blanquer, ministre de l’Éducation, je présiderai dès demain un Conseil de l’Éducation artistique et Culturelle. Nous allons créer une plate forme pour qu’ils (les artistes) puissent aller le plus possible au contact avec les élèves, ça c’est vrai jusqu’à fin mai mais également cet été… À partir du 11 mai, nous allons rouvrir les écoles de façon différente de ce qui était le cas précédemment ; saisissons cette opportunité unique pour développer l’éducation artistique et culturelle » Vraiment ?

 

Pourquoi cette envie subite de « développer l’éducation artistique et culturelle » ?

 

Simple contrepartie aux 12 mois qu’il aura fallu des semaines de bagarre pour obtenir ? Ou, confrontés au refus des enseignants, des agents de l’éducation nationale et de la plupart de leurs organisations syndicales, des conditions d’une réouverture des écoles le 11 mai sans les garanties minimum de sécurité sanitaire, masques, gants, surblouses, tests quotidiens ? Ne s’agit-il pas plutôt d’un calcul odieux : utiliser les milliers de salariés intermittents bientôt affamés pour les contraindre à être supplétifs, quoiqu’il en coûte de leur santé, de celle des enfants et des familles ? Et comme les artistes ont la fâcheuse tendance à vouloir créer, comme les médecins et les personnels soignants ont celle de soigner, Franck Riester évoque un « pacte de confiance ». S’agirait-il de conditionner les 12 mois supplémentaires à l’assurance chômage à l’acceptation de ces nouvelles missions, déguisées en « éducation artistique et culturelle » ? Nous n’osons pas l’imaginer !

 

Autrement dit, le gouvernement tente le jack pot : se débarrasser et des enseignants qui instruisent et des artistes qui créent.

 

Nous, nous exigeons les moyens immédiats matériels et sanitaires pour reprendre le travail, notre travail de création. C’est pourquoi nous exigeons que :
— ces 12 mois supplémentaires, qui ne sont que juste réparation, soient sans condition
— les salariées intermittentes au sortir de congés de maternité, que les salariés intermittents au sortir d’un congé parental ou de maladie en bénéficient également, et que les primo entrants soient admis à 253h.
— et comme le dit la pétition « La création doit vivre et nous avec ! »1 signée par plus de 1 000 collègues de tous secteurs, Théâtre, Danse, Arts de la rue, Cirque, Cinéma, Audiovisuel, que le SNLA-FO soutient :

 

« Nous avons aussi besoin du paiement de tous les contrats suspendus et de tous les engagements qui ne pourront se réaliser. En salaire ou à défaut, au titre de l’ « activité partielle». L’annulation des festivals est une catastrophe pour aujourd’hui et pour demain. C’est pourquoi les spectacles, les ateliers, les résidences, les interventions… doivent être rajoutés à la programmation de la saison prochaine ou à défaut, intégralement indemnisés.

 

Les compagnies, les ensembles et les productions cinématographiques indépendantes risquent de disparaître. L’État et les collectivités territoriales doivent les indemniser intégralement et assurer leur survie par un financement exceptionnel, et ce jusqu’à la reprise normale de leur activité.

 

(…) Si des mesures d’allègement des jauges étaient prises, les salaires ne pourront en pâtir, ni les recettes qui devront être compensées.

 

Et nous exigeons, maintenant, tout de suite, partout, que l’État fournisse gratuitement au bénéfice de tous les artistes et techniciens, dans tous les départements via les préfectures, les masques, gants, surblouses et tests quotidiens pour nous permettre de reprendre rapidement notre travail, celui de la création.

 

https://framaforms.org/la-creation-doit-vivre-et-nous-avec-1587493430

9.05.2020