14.11.2021
L’art est essentiel
Les artistes interprètes membres du syndicat National Libre des Artistes Force Ouvrière, réunis en assemblée générale ce 14 novembre 2021 ont débattu de la situation inédite à laquelle les artistes interprètes, les travailleurs du spectacle ainsi que des millions de salariés sont confrontés depuis vingt mois.
Jusqu’en mars 2020, la situation de la plupart des artistes était difficile. 80% d’entre nous n’avaient que 850 euros de salaires par mois ; l’indemnisation chômage au titre des annexes 8 & 10, avec une allocation plancher de 44 euros/jour que nous avons obtenue en 2016, nous sortait la tête de l’eau.
La fermeture des théâtres et des cinémas n’a pas permis le partage de centaines d’œuvres avec des millions de spectateurs, et a plongé la plupart d’entre nous dans une précarité accrue. Les travailleurs du spectacle et de la culture et les spectateurs savent que la culture est essentielle. Au même titre que l’eau, le gaz, l’électricité, comme Jean Vilar le disait si bien en 1945, après six années de souffrances, les massacres et génocides de la seconde guerre mondiale. Il érigeait ainsi l’Art comme nécessité vitale, dont seul le service public pouvait assurer les moyens nécessaires.
Cette exigence a irrigué des générations d’artistes et est parvenue jusqu’à nous, mue par l’idéal de travailler pour assurer l’accès à « la culture pour tous ».
Les manifestations de la profession organisée en 1946 contre les accords Blum-Byrnes ont sauvé le cinéma français. Elles sont à l’origine de la taxe additionnelle sur la billetterie, qui abonde les aides versées par le CNC. Nous continuerons à nous battre pour la défense du cinéma français car il en va là aussi de la création et de nos emplois.
La mission de service public de la radio, instituée en 1945, n’a jamais été autant attaquée qu’aujourd’hui. Radio France, qui fut il y a peu encore le premier employeur de comédiens en France, a diminué sa production à partir de 2015, même si, dans un premier temps, la grève des personnels et des artistes contre les réductions, l’ouverture au privé et la destruction des studios a pu freiner la direction.
Les captations de spectacles théâtraux, mensongèrement présentées comme des productions, contribuent largement à la destruction de la production et de l’emploi des artistes (comédiens, musiciens, bruiteurs). Celui-ci est intimement lié à la liberté artistique, telle que la permet le service public de radio. Les captations, le podcast (natif comme post-diffusion), la disparition de fait de grandes tranches de diffusion de fiction radiophonique pleine et entière, comme celle de deux heures, désormais consacrée à des émissions courtes suivies d’entretiens, provoquent une chute de l’emploi des artistes et entrainent une sélection réduite des auteurs, un contrôle idéologique renforcé, une disparition de la fiction dramatique radiophonique et de la liberté artistique qui la conditionne. Face à cette politique destructrice, et dans la perspective de mobilisations de grande ampleur contre la politique anti-artistique du gouvernement, reprendre les éléments revendicatifs
ainsi avancés et développés depuis la mobilisation de 2000 en défense de la fiction radiophonique est une nécessité urgente.
Nous prenons la mesure qu’en 2020, un président de la République et ses institutions ont, quelle qu’en ait été la raison, décrété la littérature, la danse, le théâtre, la musique comme « non essentiels » ;
Nous prenons la mesure des dernières déclarations de Roselyne Bachelot, actuellement ministre de la culture, qu’il [le ministère de la culture] devait « repenser l’accès à la culture pour tous » ;
Nous prenons la mesure qu’elle a également déclaré qu’il « fallait repenser le modèle artistique, économique et social de l’Opéra ».
Roselyne Bachelot affirme que les « modes de consommation culturelle » [sic] aurait changé, que le COVID aurait « fait office d’accélérateur ». Pour notre part, nous vivons depuis la mi-mai un engouement du public vers les salles de spectacle, de concert, et cet été dans les festivals. Ce qui est indiscutable en revanche, c’est que l’acharnement du gouvernement contre la création et ses artisans, artistes et techniciens, a et continue d’avoir ses effets.
Au lendemain de l’entrée en vigueur du « passe sanitaire » le 22 juillet, la fréquentation des salles de cinéma a baissé de 70% ! Quant aux théâtres, les contrôles multiples qui se rajoutent à la billetterie,
« passe sanitaire », « Vigipirate », entachent leur identité de liberté, si chère aux artistes et au public.
Nous tentons d’inscrire notre travail dans les pas de nos illustres prédécesseurs, qui ont combattu pour le droit à la culture pour tous donc pour le service public de la culture, et pour notre statut de salarié, pleinement acquis en 1969 seulement. C’est pourquoi, de même que notre ambition artistique reste intacte, nous continuerons, avec le plus grand nombre de nos collègues à nous battre pour :
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- le service public de la culture dédié à la création
- la compensation intégrale des pertes salariales et d’exploitation, en particulier des structures indépendantes et publiques
- la défense intégrale du statut de salarié des artistes
- la rémunération de la totalité de notre travail
- l’annulation de la réforme de l’assurance chômage,
- la prorogation de l’année blanche jusqu’à la reprise entière du travail
- l’abandon de la réforme des retraites
- le maintien des régimes spéciaux
- la fin de l’état d’urgence et du passe sanitaire
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contre :
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- toute restriction d’accès aux lieux de culture et de partage
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Adopté à l’unanimité de l’Assemblée générale.
Réunie le 14 novembre.